ACCUEIL SOMMAIRE Huit cent quarante échecs SUGGESTIONS ECRIRE

 U n un article paru dans Le Monde en date du 08/08/03 et consultable ici, nous apprend que des chercheurs italiens sont parvenus à cloner «une jument adulte» (sic)[1]. Péniblement: 841 essais, une réussite. Cela confirme mes suppositions sur la portabilité du clonage aux humains: le jour où l'on apprendra qu'un clonage humain a réussi, cela impliquera un certain nombre d'échecs préalables, au moins quelques dizaines…

Selon les espèces, le taux d'échec actuel pour les clonages va de 150 pour 1 à plus de 400 pour 1. Remarquez, ça ne poserait probablement pas de problème à un expérimentateur, ou au moins à certains d'entre eux, d'avoir un taux d'échec très élevé. En fait, ça ne pose pas de problème à certains médecins, biologistes, laborantins et potentiels parents de sacrifier un nombre élevé d'enfants probables — d'embryons. J'en discute longuement par ailleurs, mais dans les méthodes de “PMA”, de procréation médicalement assistée, le taux de réussite pour les implantations varie, selon la méthode, d'un peu plus de 30% à nettement moins que 10%. Considérant un taux moyen de réussite de 20%, considérant un nombre moyen d'embryons par tentative de trois embryons (au cas où vous l'ignoreriez, lors d'une implantation on introduit plusieurs embryons, car ceux-ci ont la fâcheuse tendance à ne pas vouoir s'accrocher. Ce qui explique le fort taux d'échecs), le nombre moyen d'embryons sacrifiés pour une réussite doit tourner aux alentours de 15. Ça, c'est l'estimation optimiste. Bien sûr, je ne compte pas les fameux «embryons surnuméraires», dont on n'a plus besoin une fois l'implantation réussie…

La PMA montre assez clairement que ça ne pose problème ni aux “scientifiques” ni aux aspirants géniteurs d'avoir beaucoup de déchets dans la procréation médicalisée. Ni à la société, d'ailleurs, sinon quelques scientifiques ou citoyens responsables, et sinon les «pro-vie», mais ceux-là ont d'autres motivations que le strict respect de la vie. Bon. Citoyens et scientifiques responsables… Et ça pèse de quel poids ? À-peu-près aucun. La société française, comme toute société, vit de fantasmes et de préjugés. Parce que nous habitons une «société développée» façonnée par la science rationaliste et la technologie, où le niveau scolaire ne cesse d'augmenter, où le moindre citoyen a accès à une masse considérable de savoir positif, nous avons tendance à croire que nous agissons selon la raison. Ce qui apparaît très nettement faux, pour qui est raisonnable. Sauf si bien sûr vous tenez vous-même ce discours schizophrénique ou si du moins vous n'en voyez pas l'incohérence, vous aurez pu remarquer que les médias ont un discours contradictoire concernant Internet: il est supposé offrir au bon peuple l'accès facile à tout le savoir humain; en même temps on le critique parce qu'il diffuse des informations erronnées ou volontairement faussses. C'est ne pas tenir compte de ce que cela fait partie du «savoir humain». Par exemple, l'astrologie ou la numérologie sont des savoirs humains. De “faux” savoirs certes, mais des savoirs. Mais la question de la vérité ou de la fausseté d'un savoir est difficilement décidable. Quoi qu'il en soit, la «rationalité» de l'objet technique “Internet” n'induit pas la rationalité de son usage, que ce soit pour y déposer ou y collecter des informations.

Pour revenir à notre sujet initial, le supposé clonage d'un équidé nous est présenté comme une réussite. Ma foi, 840 tentatives pour un seul clonage, ça me semble plutôt de l'ordre de la non réussite. Disons, on a plus ou moins obtenu un résultat (apparemment, plutôt moins) de manière plus ou moins aléatoire (apparemment, plutôt plus) et dans un but incertain (à quoi bon faire par un moyen compliqué, coûteux et aléatoire une chose qu'on réalise très bien par des moyens plus conventionnels et mieux assurés ?). La dernière parenthèse me semble former le nœud de la question: quel est le but poursuivi par les cloneurs ? apparemment, du moins pour le clonage reproductif, obtenir un individu qui a les mêmes caractéristiques que l'individu à partir duquel on l'a fabrique. Or, le constat actuel est


[1] Pourquoi ce (sic) ? Et bien, écrire «une jument adulte» reviendrait pour un humain à écrire «un majeur adulte»…